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Les employés des péages ont le choix entre quitter leur cahute pour surveiller le fonctionnement des bornes automatiques ou prendre la porte.

Les sociétés concessionnaires de réseaux d’autoroutes viennent de demander au gouvernement l’autorisation d’augmenter leurs tarifs.

Une nouvelle qui fera plaisir à tous les automobilistes, à peine rentrés de vacances, et qui ont pu goûter les charmes des précédentes hausses : 2.24 % en février 2011, après celle de 0.5 % en 2010 et celle de 3 % en 2009. Mais cela ne suffit pas à faire le bonheur des sociétés de BTP qui gèrent les autoroutes. Le patron de Vinci, Xavier Huillard, a même menacé, le 31 août, de « réduire les investissements » si le gouvernement s’obstinait à refuser cette nouvelle augmentation.

En attendant, ces sociétés font preuve d’inventivité pour accroître leurs profits . par exemple en généralisant les automates aux postes de péage. Officiellement, pour rendre le trafic plus fluide. En réalité, le calcul des sociétés autoroutières tient du problème de cours élémentaire : une borne de péage automatique coûte environ 11 000 euros par an. Sur une même période, le fonctionnement manuel de cette borne, confié 24 heures sur 24 à des salariés, revient à 240 000 euros par an. Elémentaire, on vous dit.

Primes à la casse

Pour inciter ses employés à abandonner leurs cabines de péage, les Autoroutes du Sud de la France (Vinci) ont mis le paquet. Depuis janvier 2008, ce réseau propose 10 000 euros de prime à tout salarié qui accepterait de quitter sa cahute pour superviser des bornes automatiques déjà installées. Mieux, un chèque de 60 000 euros est proposé à qui aura le cran de rejoindre les « hommes en jaune » (patrouilles de sécurité et viabilité) intervenant sur le réseau à leurs risques et périls.

Beaucoup n’ont pas les moyens de refuser ce marché. Mais, le travail se révélant difficile à supporter physiquement, bon nombre préfèrent finalement signer une rupture conventionnelle de contrat, demander un départ anticipé à la retraite, voire démissionner. Autant de salariés en moins sur le réseau. « Lors d’une réunion rssemblant tous les cadres, le président de Vinci a présenté l’objectif de réduire de 30 % l’ensemble du personnel » explique un syndicaliste. Le mastodonte du BTP refuse de répondre aux questions du « Canard », mais ses bilans sociaux parlent pour lui : 946 emplois supprimés en quatre ans, environ 10 % de salariés en moins. Pour sa seule filiale Escota (sud-est de la France), Vinci Autoroutes s’est ainsi passé de 18 % de ses employés entre 2007 et 2009. Le groupe a vu son bénéfice d’exploitation augmenter de 14 % depuis 2006, pour atteindre 1.9 milliards en 2010.

Une tendance que suivent allègrement les autres géants de l’autoroute. Avec 6.2 % d’effectifs en moins pour la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR-Eiffage) sur la même période et 6.7 % chez Sanef (Abertis). Il faut dire que ces pauvres groupes vivent des temps difficiles. APRR n’avoue que 937 millions de résultat opérationnel, soit une hausse de 20 % depuis 2006, et Sanef seulement 253 millions de résultat net pour 2010, une augmentation de plus de 30 % depuis 2008.

Il faut le klaxonner : c’est la bienveillance de Dominique de Villepin et de Thierry Breton qui a fait de ces trois sociétés les véritables reines du bitume. En 2006, le Premier ministre et son acolyte de l’Economie leur ont vendu la totalité des actions autoroutières encore détenues par l’Etat. Et pour 14.8 milliards, un prix d’ami. Le but : renflouer ponctuellement les caisses de l’Etat, en se séparant des bijoux de famille. Et en se privant, à long terme, de jolis bénéfices. Depuis la privatisation, entre licenciements, démissions, ruptures de contrat et départs à la retraite non remplacés, 11.2 % des emplois du réseau autoroutier ont été supprimés. Et qui s’est fait rouler ?

PEAGE FATAL

L’automatisation des péages pose un problème de sécurité. Deux accidents mortels ont eu lieu, en moins d’un an, à des barrières automatiques. Le 6 mai 2011, à La Ciotat (Bouches du Rhône), une voiture bloquée à une borne fait marche arrière, obligeant le camion qui la suit à l’imiter. En reculant, la semi-remorque écrase un motard. Le 2 septembre 2010, à Allainville (Yvelines), un couple d’octogénaires ne parvient pas à régler son trajet à la borne automatique. La passagère descend de voiture et traverse plusieurs voies en quête d’un agent qui pourrait l’aider. En redémarrant, un camion l’écrase. En principe, un Interphone placé à chaque borne permet de joindre un employé. « Mais beaucoup de sorties d’autoroute sont entièrement automatisées, et il n’y a personne sur le site, explique un cadre de chez Cofiroute. Or, nul ne peut garantir qu’une borne fonctionne à tous les coups, ni que la réponse à l’Interphone sera assez rapide. » Le plus sûr reste peut être la bonne vieille route nationale.

ARTICLE TIRE DU « CANARD ENCHAINE » DU 21 SEPTEMBRE 2011 Propos recueillis par Lauriane Gaud.

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